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Cet article introduit les travaux presentés par Jean-Michel Leroy dans le premier numéro de la revue HUIS CLOS.

RACONTER

Raconter quelque chose. Il y a bien d’autres raisons d’écrire. Parmi toutes les formes d’écriture explorées par HUIS CLOS, celle qu’il fallait exhumer en urgence, comme on fait passer les femmes et les enfants d’abord, c’était bien la fiction. Non qu’elle porte moins loin que la critique ou l’essai, mais ceux qui vivent de cet air savent qu’il se raréfie. Raconter quelque chose… Mais quoi ? Soi-même ? L’autofiction n’est pas impuissante ; peut-être a-t-elle seulement fait son temps. Si l’auteur n’a pas arpenté l’existence pour l’oublier, ce n’est jamais lui-même qu’il raconte en premier, mais toujours la vie elle-même. Le recours à la première personne ne trompera donc personne ; le souci profond pour l’existant transforme le je en un véhicule pour l’exploration de ce domaine où l’ordre du monde et nos volontés s’entrechoquent — le travail. Catégorie de l’expérience humaine que l’auteur polit par sa prose et dont il explore les profondeurs. Se lever matin, se présenter au chantier et se plier à ses lois, n’est-ce pas renouer avec l’anthropologie de l’homme qui, dès après la Chute, maintient son humanité en faisant face au travail, ce « calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur » (Mallarmé) ? La concentration du corps et de l’esprit, simultanéité qui est le privilège des artisans, forme la matière même de ce récit : faut-il alors s’étonner si Jean-Michel Leroy retranscrit les dialogues avec la même honnetêté qui lui sert à décrire ses outils et ses mouvements ? Voilà un récit d’emblée défait de l’inutile sophistication. Il fait entendre le langage ouvrier sans la condescendance de l’écrivain bourgeois qui se penche sur eux en ethnologue. Le narrateur verra son propre langage muter à la faveur de cette exploration, jusqu’à des éructations vraisemblables que Céline n’aurait pas écartées. La Journée d’un manœuvre est le fruit d’une expérience vécue deux fois, par le travail et par l’écriture ; l’auteur voudrait maintenant qu’elle le soit une troisième fois, par la lecture. Et faire voir par les récits qui paraîtront prochainement, quelle puissance peut être l’attention portée à ce qui nous entourt dans un regard doublé d’un clavier.

DÉPLIER

Jean-Michel Leroy porte aux tendances sociales profondes la même attention qu’aux instants vécus. A condition de rester fidèle à ce qu’on perçoit dans les deux cas, on peut, dans notre réflexion, faire tomber le mur entre la vie du groupe et la vie de l’individu. Car ce mur n’existe déjà plus dans la réalité : c’est bien la portée de la notion de masse auquel l’auteur recourt. En quelque matière que ce soit, nous sommes tous traversés par les transformations de grande ampleur. Le divorce n’est donc plus l’affaire, comme au temps des premières désunions scandaleuses au début du siècle dernier, du seul couple concerné. Où se logeait une extrême concession, se tient maintenant une possibilité permanente, un nuage noir fixe — les lois du mariage et les lois du divorce tendent à fusionner. Quel dispositif a rendu cette transformation possible dans l’esprit des époux ? Partant de cette intuition que « la psyché est culturellement déterminée », l’auteur débusque et déplie le psychologisme — nouveau système qui subvertit les anciennes distinctions (vie publique et vie privée, intimité et mondanité, foyer et société) et se fonde sur de nouvelles unités (le couple, la famille recomposée). Sans étouffer les problèmes évidents que cette transformation induit, cette refléxion, comme elle ne part pas d’un lieu imaginaire mais de ce que chacun peut constater, n’écarte pas certains éléments plus positifs. Dans le délitement d’une chose circule une telle charge d’évocation que toute opinion ne peut que s’effacer devant son passage.

Ses contributions dans HUIS CLOS #1

Jean-Michel Leroy, Le divorce de masse, conséquence du psychologisme.
Extrait

Jean-Michel Leroy, Journée d’un manœuvre.
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Jean-Michel Leroy, Périgée.
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Ses contributions dans HUIS CLOS #2

Jean-Michel Leroy, traduction des Fables sportives de Ödön von Horváth
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Jean-Michel Leroy, Une semaine chez les bijoutiers.
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Ses contributions dans HUIS CLOS #3

Jean-Michel Leroy, Dossier “Jean-Michel Truong”.
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