CONVEVOIR
Les contributions de Romain Joly sont aussi variées qu’ambitieuses. Si son raisonnement se plie à une rigueur logique, c’est que ses intérêts sont juchés à une certaine hauteur d’abstraction et de technicité. L’esthétique indicible des formes et l’architecture évidente d’une part, la théorie nécessairement délirante de l’Histoire et le Capital introuvable de l’autre, sont les paires conceptuelles paradoxales desquelles partent deux de ses réflexions écrites dans le premier numéro de la revue HUIS CLOS. Ingénieur de métier, il sait que rien de valeur n’aboutit sans un plan. Il en a le goût et, par ses schémas, nous transmet aussi celui de l’exactitude ; il nous invite à délaisser une littérature par trop gratuite et anomique. La part de contestation que recèle sa prose se dirige contre la pensée sans ordre, la pensée faite de seules jolies phrases qui, vues depuis les lunettes de la raison, ont tout l’air d’être générées par un mauvais algorithme. Il construit patiemment une œuvre qui ressemble à un édifice d’un nouveau genre : on y repère l’unité d’un style que commande la recherche constante d’une vérité démontrable. C’est bien le fil conducteur qui relie les essais écrits aux essais dessinés qu’il appelle les schémas, genre pour lequel on ne lui connaît aucun prédecesseur. C’est enfin à Romain Joly que l’on doit la charte graphique de la revue, jusqu’à ses dernières audaces.
VOYAGER
Ce que l’auteur déploie s’agissant des couleurs, des stylisations, des lignes et des raisonnements, renvoie aux nombreux mondes qu’il veut nous faire visiter. La lisibilité de l’architecture, les fins de l’histoire contemporaine, les aspirations et les habitudes des ingénieurs, les possibilités de l’imagination sertie de schémas déconcertants, sont autant de paysages qu’il est pressé de cartographier, à cause de sa grande curiosité. Le premier bien que nous fait le voyage, c’est qu’il est d’abord une excursion, une sortie de nos chemins usuels, et le débordement thématique de Romain Joly nourrit cet appétit. Le second bien que le voyageur retient de cette aventure, c’est qu’à chaque étape, s’étant oublié dans la visite, il se retrouve possesseur de multiples expériences vécues auxquelles il donne une unité nouvelle, celle de sa propre perception.