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La maison Courrèges doit se réinventer

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20 mai 2023

Dans la deuxième saison de la série Nouvelle École produite par Netflix, le rappeur SCH porte une tenue de la maison Courrèges. Les rappeurs apprécient les marques de luxe et y voient un intérêt constitutif à la fois de leur réussite sociale et signal de leur connaissance d’un monde à part, entre création et conquête : Kanye West évoque Margiela, Alpha Wann, Mizuno. Ce vêtement français porté par le rappeur marseillais n’est donc pas anodin et tire sur deux cordes. D’une part, la recherche d’une exploration sociale : celui de la maîtrise d’un mouvement social qui dépasse ce qui est représenté dans son art. La discrétion de Courrèges permet l’affranchissement des maisons plus classiques et une distinction complète. Le port d’un Courrèges est anthropologique : cela permet de se situer et participe à la création du personnage : le rappeur se translate en artiste ; un entertainer qui s’inscrit dans son décor et y entraîne ses souscripteurs. La chanson n’est finalement qu’un plus. La maison Courrèges s’inscrit maintenant dans ce contexte : elle valide l’“esprit SCH”, mais lahuiss valide cette discrétion et lui donne un souffle certain.

 

Mais tout cela peut étonner : Courrèges est une maison française développée à l’attention des femmes. Icelle a connu son heure de gloire pendant la deuxième moitié du XXème siècle dans un contexte politique favorable aux revendications civiles et politiques des femmes. À l’heure où les Françaises votèrent et disposèrent d’un compte bancaire, le vêtement joua son rôle. Fondée en 1961 par André et Coqueline Courrèges, la maison s’est appuyée sur ce contexte pour accompagner l’essor des femmes, ce qui permet de comprendre les liens étroits et parfois cruels entre la haute couture et le politique. S’agissant de Courrèges, ce sont trois pièces qui ont accompagné son développement dans les années 1960 : le pantalon, la minijupe et les bottes.

 

Courrèges joue avec la différence, sans aller jusqu’à la provocation. Je vois dans cette évolution l’illustration d’une parfaite connaissance des tendances sociales et de ce qui plaît. Là où l’on parle de futurisme on a tort — est futuriste le refus d’une actualité immédiate que l’on renvoie à une temporalité alternative. Courrèges a intérêt de proposer des pantalons aux femmes qui veulent en porter quand le pantalon s’impose et devient une habitude. Auparavant, la minijupe est une pièce marquante, bien qu’utilisée par de nombreuses maisons. Courrèges joue sur les dimensions, le tracé du patron et installe une pièce de taille courte comme le style normal qui s’accompagne d’autres pièces. On le retrouve dans la collection printemps-été 1964, « The Moon Girl » : les longueurs sont travaillées et apportent une plus-value tandis que les caractéristiques de Courrèges sont identifiées dans les matières et les couleurs : bottes blanches, jupe noire et blanche, et aujourd’hui la veste rouge. Mais de nos jours, la maison doit être appréhendée différemment. Le succès de Courrèges s’endort depuis 2000. The Moon Girl doit être remplacé par cette appropriation dans de nouveaux milieux culturels. Un homme comme SCH participe à apporter une nouvelle vague dans la maison Courrèges ; la maison doit s’en saisir pour créer des collaborations et proposer des vêtements de son temps. Des pièces marquées, un retour aux sources, et le développement d’une stratégie unisexe. 

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